Un mariage vietnamien

kbqsovzrusn5gcdwijpma_thumb_2e39 Je suis arrivée quand la fête battait déjà son plein. Le chauffeur a eu un peu de mal à trouver l’adresse gribouillée pour moi sur un post-it par mon beau-père et pourtant il n’avait qu’à se laisser guider par le rythme entêtant des basses qui faisait vibrer le quartier entier. Les parents de Phuong avaient bloqué la petite rue menant à leur maison et y ont fait dresser une tente rouge et blanche. Sous cette tente se trouvaient les invités, seulement la famille et quelques amis, une bonne trentaine de personnes ainsi que les tables dressées pour le repas, les musiciens et deux énormes haut-parleurs qui rivalisaient entre eux à qui pourrait émettre le plus de bruit. Ce soir-là nous avons mangé des crevettes sautées aux épices, de la soupe très légèrement gluante et de petits flans sucrés. Une quantité innombrable de canettes de bière locale ont été vidées et puis abandonnées joyeusement sous les tables. Tout le monde a chanté au micro, à commencer par les parents de la mariée et ses nombreux cousins. Des chansons françaises, des chansons vietnamiennes, des chansons d’amour, de tout.

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ylzg7ssqruytayq0cq07mq_thumb_2e6fLe lendemain c’était une toute autre ambiance. Séance de coiffure à l’hôtel, les photos, un petit-déjeuner composé essentiellement de fruits et avalé à la va vite. Phuong et Alex étaient vêtus de somptueux costumes traditionnels vietnamiens et nous autres, nous avons tenté d’avoir l’air le plus chic possible dans cette matinée déjà humide et bien trop chaude. Nous sommes tous retournés en voitures décorées chez les parents de Phuong où un cortège a été formé pour parcourir les quelques mètres qui séparaient leur maison de la grande rue et ceci sous les yeux curieux des voisins et de quelques poules égarées. S’en est suivie une courte cérémonie bouddhiste et la présentation des cadeaux à la mariée comme il se doit dans la tradition vietnamienne.
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mnvdygyrtrmfbnc9onga_thumb_2e6a48gcbbdsmpbjjowuu2sa_thumb_2e62vpl66lptgutoydrs29z2w_thumb_2e33Dans l’après-midi nous nous sommes retrouvés presque à huis clos à l’hôtel à cinq avec Phuong, Alexandre et mes beaux-parents pour porter un verre (de champagne bien sûr !) au bonheur des mariés. Il fallait traduire le discours français en anglais pour que Phuong puisse le traduire à son tour en vietnamien, rhabiller tout le monde, refaire la coiffure de la mariée, réussir un double noeud de cravate pour le marié ce qui fut un effort de longue haleine couronné d’un succès relatif. Dans la bagarre, il y a eu entre autres un cours donné sur le comment accrocher et fermer correctement des boutons de manchettes – toute une science qui se perd.
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La salle de fêtes se trouvait au bord du fleuve dans un immense bâtiment du style vietnamien entouré d’un jardin aux lampadaires et de petits ponts ombragés. Les 300 invités ont commencé à se rassembler vers 16 heures, salués tous avec une poignée de main par les parents et les mariés. Je ne saurais comment décrire exactement ce qui s’est passé par la suite mais il y a eu des danseuses traditionnelles, des discours, du faux champagne rose et fumant, des pétards et des ballons roses et blancs, des chansons interprétées par les invités, des plats exotiques (tel les chips d’arêtes de poisson) et de la bière et encore de la bière. A 19 heures c’était fini, il n’y avait plus qu’à balayer les canettes vides dans d’immenses sacs poubelle et à conduire les plus tenaces dans le bar karaoké continuer la soirée.
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Le lendemain après une brève visite du marché à Hue je suis retournée à Hanoï chercher le reflet évanescent d’une ville d’un autre temps aux silhouettes fragiles de belles sortant le soir pour aller retrouver leurs galants. J’ai été accueillie par un flux constant et indifférent de scooters et de marchands ambulants, de troquets et de commerces de tous genres envahissant les trottoirs et par une pluie tenace. Pour ne pas faire du tort à cette ville, je dois dire que j’avais le coeur à toute autre chose. Ma petite famille à moi était restée à Tallinn à quelques milliers de kilomètres, je voyais Irène dans chaque bébé qui passait, perché sur la moto et serré entre son papa et sa maman, chaque couple que je croisais ne me faisait que languir encore plus de ce qui m’était ôté pour un temps bien que court.
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w3n85hzctzszah3pfvrow_thumb_2ee8Ce n’était qu’une fois sortie de Hanoï, au bord de la baie de Hao Long que j’ai pu retrouver un semblant de sérénité. Pour y aller, j’ai partagé un mini-bus avec une petite famille d’origine asiatique, probablement vietnamienne, un couple fraîchement marié d’américains et une mère qui voyageait avec son fils trentenaire. Aucune liaison rien qu’éphémère n’a été tissée lors de cette croisière et c’est peut-être la raison pour laquelle je l’ai trouvée particulièrement apaisante. Cela étant dit, ma curiosité m’a fait imaginer toutes sortes d’histoires concernant mes co-passagers et plutôt dans le verve de Woody Allen.
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uyox1axythsivbe1qin1qa_thumb_2f16Dans le cohue du départ je n’avais pas pensé ni au maillot de bain ni aux shorts. J’ai dû donc faire l’impasse sur le canoë-kayak ainsi que la baignade dans les eaux, d’ailleurs plus grises qu’émeraude, de la baie mais après le dîner et les tours de passe-passe du barman je suis montée sur le pont et j’y suis restée longtemps admirer la nuit, captive de mes pensées errantes.

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abwfc1tfgcy35oomqmw_thumb_2f64De retour à Hanoï pour une deuxième fois je me suis laissée emporter par la ville. Je me suis promenée dans les rues nocturnes, j’ai mangé chez Madame Hien tout à fait par hasard, un monument colonialiste par son essence si on en cherchait et pourtant honteusement agréable dans ce monde déboussolant. Les magasins fermaient après dix heures du soir, même les petits, surtout les petits. Evidemment, Irène a été gâtée – impossible de ne pas céder à l’appel d’une robe de fêtes en laine grise et au tutu blanc, ou encore d’un haut avec une petite souris ou … enfin. Nous avons atterri à Tallinn sous la neige. Depuis il fait autour du zéro à -5. Autant dire que c’est la pleine saison de bouillons de poules et de petits pains à la cannelle.
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Fondamentalement je suis d’avis que les voyages entrainent de la fatigue, de l’ennui et peut-être  quelques découvertes heureuses. Malgré cela et de façon complètement inexplicable alors que j’aime par dessus tout ma maison douillette il m’est impossible de réprimer l’envie de partir. Ce voyage-ci je dois l’admettre a été particulièrement enrichissant et pénible à la fois. Le hasard semblait m’avoir pris en grippe pour une raison inconnue et m’a fait voyager seule et sans bagages tout en multipliant par deux la durée des trajets les plus longs sans mentionner les désagréments mineurs. Et pourtant, ou plutôt grâce à toutes ces complications accumulées, de retour je me sens tel un Marco Polo des temps modernes. J’ai vu tellement de choses en ces quatre jours et qu’elles soient positives ou négatives est entièrement secondaire. Le mariage évidemment a été un moment très fort et émotionnel. Voir se réaliser le bonheur de deux personnes qui ont dû traverser tant de difficultés pour y parvenir est une expérience tellement rare et absolument exceptionnelle. Une nouvelle vie s’ouvrent à eux dans tous les sens du terme et plus encore pour Phuong qui quittent son pays afin de s’installer en France. Bienvenue Phuong, nous vous souhaitons à tous les deux tout le bonheur du monde.
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Au Japon

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Le Japon m’a toujours fascinée et pendant longtemps je l’ai sûrement idéalisé comme on peut idéaliser un pays qu’on ne connaît que grâce aux cartes postales, ou dans mon cas, grâce aux livres, aux films et aux animes. Mes premiers voyages n’ont fait que confirmer cette fascination. Je ne sais par quel moyen j’ai réussi à demeurer aveugle à l’extrême densité de population et au manque d’espace drastique, au consumérisme immodéré, au goût discutable pour tout ce qui est mignon ou qui brille ou les deux à la fois. Cela ne veut surtout pas dire que je n’y ai pas connu mon lot de mésaventures et de frustrations mais j’y suis toujours retournée avec de l’enthousiasme et l’envie d’en savoir plus.

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Les saisons s’y reflètent dans l’assiette et dans les couleurs portées par par les jeunes demoiselles en yukata. Je pourrais me perdre dans la contemplation de tous ces petits mondes de beauté et de sérénité qu’on découvre à l’improviste au détour d’une rue bordée d’affreux immeubles et de poteaux électriques ou au 2ème sous-sol d’un supermarché. Le petit chemin ombragé, parsemé de pierres moussues et de quelques feuilles rouges qui mène jusqu’au salon de thé caché du bruit et des regards indiscrets. La fleur fraîchement cueillie qui vient égayer l’assiette de poisson cru ou la feuille d’érable en automne, les minuscules jardins au coeur des demeures où l’emplacement de chaque grain de sable est longuement prémédité et inchangé depuis dix générations. Le pays entier est un manifeste constant au soin apporté aux objets, à l’espace, à l’autre. Ainsi la laideur banale des banlieues se trouve toujours interrompue par un pot de fleur posté sous la fenêtre ou par un minuscule autel bouddhiste entretenu avec le plus grand soin.

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Cet été, la chaleur était accablante. Atsui ne disaient les vieilles dames en souriant poliment, munies d’éventails aux couleurs passées, d’ombrelles et de toute une panoplie de gants et de guêtres afin d’éviter d’exposer leur peau au moindre rayon de soleil. Nous inclinions la tête et répondions par un petit sourire de connivence pour signaler notre accord. Et en effet, on se sentait écrasés par cet atmosphère chargé d’humidité, de chaleur et du chant incessant des cigales.

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Malgré cela et sans tenir compte des conseils amicaux de l’employé de JR, nous avons décidé de nous rendre de Magome à Tsumago à pied alors qu’un car climatisé aurait pu nous y déposer en quelques 20 minutes. Cette étape de 8 km de l’ancienne route postale nous a fait traverser des plaines de rizières et des forêts où il était conseillé de sonner la clochette pour ne pas tomber nez à nez avec un ours. Au tournant de la route, nous avons découvert un vieux moulin à eau, dans un minuscule village des prunes étaient en train de sécher dans des panier, assurément destinées à être conservées sous forme d’umeboshis.

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Une jeune fille en habits de ferme nous attendait à la gare de Sakakami pour nous accompagner en voiture aux village de Tanekura tout en haut de la colline, entouré de forêts et de ruisseaux. Le village compte une quinzaine, peut-être une vingtaine de fermes traditionnelles et plus que huit familles. On y cultive du riz, du sarrasin, du gingembre et une multitude d’autres légumes feuillus que je ne saurais nommer. Nos chambres se trouvaient à l’étage d’une vieille maison d’habitation. En bas, un foyer ouvert, une salle à manger, les bains. Un couple japonais est arrivé un plus tard et a été installé dans une chambre à l’opposé des nôtres, une jeune famille avec des enfants semblait séjourner dans une bâtisse avoisinante, nous les avons vus plus tard dans la soirée.

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Le dîner nous a été servi au même moment qu’aux autres par l’employée de la taverne, habillée joliment dans une yukata aux couleurs sobres. Composé essentiellement si ce n’est uniquement de légumes et de céréales locaux ainsi que de plantes sauvages, le repas fut une véritable découverte gustative. Les sushis aux gingembre frais, les tempuras de verdures et de champignons, le sarrasin sous toutes ses formes. Le lendemain matin le maître de soba nous a gentiment initié à son art (car en le regardant travailler, à l’entendre parler du chat, du renard et de l’ours, à le voir former des fleurs avec sa boule de pâte, on ne peut pas appeler son métier autrement). 13 ans il faut pour parvenir à la maîtrise.

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Le tour de vélo long de trois heures s’annonçait mal. Il faisait plus chaud que jamais cet après-midi à Hida Furukawa et le fait même d’exister exigeait de nous un effort monumental. Tatsu, notre guide semblait pourtant imperturbable dans sa bonne humeur et son enthousiasme. Nous nous sommes arrêtés souvent pour boire de l’eau de source et pour écouter ses explications abondantes concernant la vie locale et les traditions. Vous savez, à Tokyo, j’ai toujours fermé ma porte à clé. Ici, jamais. En rentrant, je trouve souvent un panier de légumes laissé par un inconnu bienveillant. Voyez-vous, cette source a été découverte sur une propriété privé. Eh bien, les propriétaires ont décidé de la rendre accessible à tous et maintenant les gens viennent de loin pour remplir leur réservoirs d’eau. Regardez cette vaste demeure. Elle a plus de 150 ans et dans le temps on y produisait de la soie. Quand sa propriétaire actuelle nous quittera, elle sera probablement sur le marché pour le prix d’une voiture. De son sac à dos il sortait tantôt un album de photo pour illustrer ses paroles, tantôt des échantillons de riz, tantôt du thé froid et des gâteau pour le goûter.

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Il était déjà 17h30 passé et nous nous précipitions comme des centaine d’autres tokyoïtes vers la sortie du metro. Dehors, une vague de fans habillés en couleurs de leurs équipes préférés nous submergeait. Sur les trottoir les petits stands éphémères proposaient de la bière fraîche en canette, des takoyaki, du mais grillé, des panures et des fritures en veux-tu voilà. Nous étions placé dans le camp des hirondelles, Tokyo Yakult Swallows qui affrontait ce soir la légendaire équipe de Yomiuri Giants (l’équipe favorite du professeur dans la Formule préférée du professeur de Yoko Ogawa, me dit G.). J’étais évidemment pour les Swallows, les autres pour les Giants. A ma gauche, un papy avec sa fille d’une 50ne d’année respirait au rythme du match. Il avait le fan kit entier dans son sac, les quilles, le parapluie etc et il partageait avec insistance ses reliques de fervent supporter de longue date avec nous. De temps en temps il sortait une boite en plastique et des baguettes pour avaler quelque morceaux de poulet pané ou d’autres friandises.

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La maison à Kyoto se trouvait au fond d’une étroite ruelle à Furukawacho, dans la partie de la ville qui se situe à l’est de la rivière Kamo, au nord de Gion. Notre chauffeur, n’étant pas sûr de l’emplacement et ne voulant surtout pas abandonner trois innocents touristes dans le jungle qu’est Kyoto, nous a gardé précieusement dans sa voiture jusqu’à l’arrivé du gérant de la société qui s’occupe de la location des machiya. Les tatamis y sentaient encore frais, la minuscule cuisine comprenait entre autres un cuiseur de riz, le café et le thé étaient soigneusement sélectionnés. Un stand de takoyaki se trouvait à la sortie de la station de métro la plus proche et un autre de gyoza à peine 100 mètres plus loin.

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Nous sommes sortis vers 19 heures sous un ciel menaçant. Les premières gouttes sont tombées 15 minutes plus tard et encore quelques 10 minutes plus tard il pleuvait des cordes. Nous voulions remonter la rivière et essayer de trouver un endroit surélevé pour admirer les caractères chinois allumés aux flancs des montagnes tout autour de la ville. Patiemment nous avons attendu sous une pluie battante. 20h ont sonné et nous ne pouvions même plus distinguer les contours des montagnes dans la pluie. C’était le 16 août et nous n’avons rien vu. Sur le chemin de retour nous avons découvert une ville métamorphosée en un gigantesque réseaux de ruisseaux et de cours d’eau. Ce soir nous avons dîné dans un petit izakaya du quartier serrés entre deux copines d’un âge respectable qui avaient visiblement un faible pour le shochu coupé à l’eau et un homme solitaire et taciturne.

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Un petit miracle s’est produit lors de notre trajet de retour et nous nous sommes trouvés pour la première fois surclassés en business. C’est un peu honteusement et avec un plaisir non-dissimulé que j’ai commandé une coupe de champagne avant même de décoller et que j’ai minutieusement étudié la carte avant d’effectuer mon choix de plats. Vous le savez déjà mais il y a de la place pour les jambes, pour les magazines, pour un oreiller. Il est même possible de s’allonger complètement ce que j’ai fait un peu plus tard pour rattraper quelques heures de sommeil, ou encore de bouquiner confortablement ce que j’ai également fait. J’ai beaucoup aimé les Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar.

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En chantier

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Quand on me parle de mon blog je me sens mal à l’aise. Cela n’arrive pas souvent et j’ai envie de dire tant mieux car je peux continuer à faire semblant de l’ignorer ou du moins de ne pas me focaliser dessus. Puisque les gens sont fondamentalement gentils, ils ne disent que des choses gentilles (ou bien préfèrent ne rien dire tout court ? comment savoir). Ce n’est donc pas tellement la réaction des autres qui est la cause de ce malaise encore que… même ce petit nombre montre que le blog existe, il est bien là, dehors et qu’indépendamment de moi, du monde passe.

Mais non, ce n’est pas ça. Ce malaise est plus lié au fait que je le sens faux et creux. Léger, simple, bourré de pseudo recettes certes bonnes mais en rien révolutionnaires ni originales. Mais c’est surtout ce ton, un peu niais du genre du meilleur des mondes qui existe. Evidemment, il y a une raison ou du moins une explication à cela. Plusieurs d’ailleurs. La plus simple étant qu’en restant extrêmement superficielle et neutre, le blog demeure impersonnel, ne dévoile finalement rien de toute ma vie secrète remplie de passions obscures qu’on ne pourrait jamais soupçonner de l’extérieur.

Il y en au moins une deuxième. Je suis intimement convaincue qu’il est mille fois plus facile de dénigrer n’importe quoi et de tenter de se montrer par ce biais supérieur à la médiocrité ambiante plutôt que d’être sérieux et d’avouer au monde (ou pire, à soi) ses véritables goûts. Tout peut être sujet au critique et au scepsis, tout prête à démontrer sa propre supériorité. Or voilà, pour une fois je tâche de ne pas le faire. Le résultat est terriblement plat.

Lire Proust en même temps et par intermittence n’aidant aucunement.

Cependant, je n’ai pas rejeté tout espoir concernant cet espace. A force d’écrire (oui, plus, plus, beaucoup plus), un jour peut-être il y aura évolution. A force de prendre des photos, un jour peut-être capterais-je autre chose que des miettes de pâte sablée sur une nappe verte. En attendant, voilà l’explication à la condition actuelle de ce blog. Il est banal, oui, mais peut-être, à force de, un jour…

Où est-ce que je voulais en venir ? Je voulais dire entre autres… non, surtout, je voulais surtout dire que c’est un essai, un test, un brouillon, work in progress (puisque l’anglais est le nouveau latin, dixit Maarja). Que je tâcherait de faire mieux. Et que non, probablement ce blog ne sera jamais ce qu’il devait être au départ, c’est-à-dire un recueil de recettes.

En attendant, une chère collègue a été cueillir des herbes dans la forêt. Il y avait de l’ail des ours, de la ciboulette sauvage et d’autres tiges feuillues d’origine indéterminée. Le printemps. Il arrive d’un coup ici. La veille encore il a failli neiger alors qu’aujourd’hui il fait trop chaud, les cerisiers au jardin japonais ont perdu leurs fleurs avant que je les ai vues et les pommiers de maman risquent de subir le même sort en moins d’une semaine. N’empêche que des personnes vigilantes ont eu le temps de partir à la cueillette et de revenir avec des bouquets impressionnants d’herbes aromatiques.

Il y a eu du pesto maison (la « recette » plus bas puisque c’est le seul des plats à avoir été immortalisé par l’appareil photographique), des omelettes et… un risotto. Bien sûr. Et pour mettre un point décisif au misérable triptyque hivernal composé de patates-navets-carottes, la rhubarbe est arrivée dans la foulée. Ma tarte n’est pas vraiment traditionnelle et s’il fallait lui trouver un défaut, je dirais que la génoise était trop dure si ça a de sens mais mais mais, elle était très bonne, surtout saupoudrée de l’indispensable sucre glace.

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Pour le pesto :

Des herbes en quantité (basilic normalement, ici de l’ail des ours, de la roquette, des épinards, de l’oseille…)
Du parmesan râpé (enfin, un fromage à pâte dur et au goût prononcé donnera toujours le meilleur résultat)
Des pignons (ou d’autres fruits à coque)
De l’huile d’olive (je l’aime bien fruitée et parfumée)
De l’ail (ou pas car l’ail des ours)
Du sel et du poivre

e ne donne pas de quantités puisque cela dépend avant tout du goût personnel du chef et de la quantité d’herbes. Goûtez pour rectifier.

Nettoyer les herbes et écrasez les au mortier ou dans le petit bol du robot. Faites griller les pignons et ajouter à votre mélange ainsi que l’ail et enfin le parmesan. Continuer à réduire tous les ingrédients en une masse plus ou moins homogène afin d’obtenir la consistance souhaitée. Ajoutez l’huile. Beaucoup d’huile.

Servez-en en apéro avec des feuilletés ou du pain frais, ajoutez-le à vos pâtes, badigeonnez votre poulet rôti avec avant de l’enfourner – c’est juste divin.

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Concernant la tarte à la rhubarbe

Pour la pâte, je me suis encore servie de la recette de Rose Bakery :

250 g de farine
170 g de beurre
60 g de sucre pincée de sel
1 oeuf

La génoise
500 g de rhubarbe
4 oeufs
125 g de farine
125 g de sucre + 50 g pour la rhubarbe
1/2 sachets de levure
1 c. à s. de fécule de pomme de terre

Pour la pâte.

Sortez le beurre 10 minutes à l’avance. Préchauffez le four à 180°C. Mixez au robot la farine, le beurre, le sucre et le sel pendant 10-15 secondes. Transférez ensuite dans un saladier, creuser un puits au centre et ajoutez l’oeuf. Commencez à lier à la fourchette.

Continuer en pétrissant d’une main et terminez sur un plan de travail fariné. Vous allez obtenir une pâte souple et homogène.

Vous pouvez bien entendu tout faire à la main également.

Ensuite abaissez la pâte à l’aide d’un rouleau à pâtisserie afin d’obtenir un cercle de 5 mm d’épaisseur. Déposez-là dans le moule à tarte à l’aide du rouleau et réfrigérez-là au moins 30 minutes avant de l’enfourner.

Faites la pâte cuire à blanc en la lestant une 20ne de minutes.

Pour la génoise.

Nettoyer les tiges de rhubarbe pelez-les et découpez les en tranches de l’épaisseur d’un cm maximum. Mélangez-les avec le sucre (et la cannelle si vous aimez) et réservez. Vous pouvez également mettre la rhubarbe à égoutter une petite heure avant de préparer le gâteau si vous avez peur qu’elle contienne trop d’eau.

Mesurez tous les autres ingrédients pour la génoise. Mélangez la farine et la levure. Séparez les blancs des jaunes d’oeufs et montez les blancs en neige avec une pincée de sel. Ajoutez le sucre tout en battant. Baissez la vitesse du robot et ajoutez les jaunes d’un coup suivis de la farine et de la levure.

Ajoutez le fécule de pomme de terre à la rhubarbe et mélangez bien. Cela permettra d’absorber l’éventuel excédent jus des rhubarbes. Versez la rhubarbe dans la génoise et mélangez délicatement. Versez la préparation sur la pâte précuite et enfournez pour une 30ne de minutes à 180°C.

Avant de servir, saupoudrez généreusement de sucre glace.

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Alors, pourquoi cette tarte n’est pas traditionnelle. Cela tient vraiment à peu de choses mais celles-là sont essentielles. La plus importante étant de toute évidence que ma tarte traditionnelle date de mon enfance et même ma mère ne refait plus exactement celle-là. 

A l’époque elle se servait d’une grande plaque noire en allant au four (chauffé au bois). La particularité de ces plaques-là consistait dans le fait qu’elles avaient trois bordures et pas quatre. Pour éviter que la tarte ne coule au fond du four, ma mère servait toujours d’une barrière en bois qu’elle calait à l’emplacement de la quatrième bordure. Pour monter les oeufs elle faisait appel au papa (ça n’a d’ailleurs pas changé) et je ne l’ai jamais vu faire égoutter ses rhubarbes. Le résultat était une grande tarte rectangulaire qu’on coupait en carreaux ou en rectangles et qu’on déposait sur une plat de service. Le plat vidé, on retournait dans la cuisine refaire le plein. La tarte en soi était plus plate et plus humide sans rendre la pâte …pâteuse ?, il y avait moins de génoise, plus de rhubarbe. L’acidité a été compensée par plus de sucre. J’imagine aussi qu’elle faisait sa pâte sablée avec de la margarine et non du beurre car c’était la mode. Et la tarte était la meilleure du monde.