
Le trajet de l’aéroport jusqu’à la station centrale de Seoul se fit sans encombre. J’avais bien pris le soin de tout calculer méticuleusement avant le départ. Munis de nos bentos respectifs par ailleurs bien plus modérément relevés que les plats servis dans l’avion, nous nous sommes installés à la gare et avons attendu patiemment le départ de notre train qui devait nous amener vers le sud-ouest du pays à Jeoung-eup, dans la région de Jeollanam-do afin de nous rendre au temple de Baekyangsa voir la d’ores et déjà célèbre Jeong-Kwan et assister à ses cours de cuisine.

De Jeoung-eup un car devait nous amener jusqu’au temple pour le début de notre retraite mais nous avons réussi à le localiser bien trop tardivement pour espérer y être à l’heure. C’est en taxi que nous avons terminé ce premier bout de voyage ce qui finalement nous a plutôt bien réussi. Le chauffeur nous a très aimablement déposés au pied du temple alors que l’arrêt des cars se trouvait à quelque 40 minutes de marche à pied et n’a pas oublié de nous laisser sa carte de visite. Pour repartir, c’est évidemment à lui que nous avons fait appel ce qui nous a valu une petite visite des routes montagneuses avec moultes explications détaillées en coréen, traduites par une dame, en visite comme nous et rencontrée sur place, originaire de Corée.

La soirée a été tout à fait mémorable. Pour situer ce temple, imaginez un endroit isolé dans un pays fait de brume et de nuages, entouré de montagnes pas tellement hautes, luxuriant, l’air rempli des bruits de la nature et du chant des oiseaux. Un ruisseau, des bâtiments en bois fort joliment décorés et peints en couleurs vives. Du rouge, du vert, du bleu et des centaines de lanternes qui illuminaient le tout le soir venu pour célébrer le début de la belle saison.

Nous avons pu observer Jeong-Kwan en train d’expliquer les fondements de sa cuisine (mais finalement et surtout sa façon d’appréhender le monde), de sélectionner les feuilles et les légumes pour le repas du soir, de les préparer, laver, couper, frire… En coréen certes, l’interprète officiel ayant fait ses bagages la veille mais c’était malgré tout tout à fait charmant. Le point culminant de la soirée a été naturellement le repas, étonnant de fraîcheur de et saveurs méconnues de nous, composé d’une dizaine de plats différents. C’était bien sûr de la cuisine du temple, sans viande, cela va sans dire. Pour clore cette rencontre mémorable, une séance de médiation très puissante (je ne trouve pas d’autres termes pour la décrire car enfin cette activité n’a rien à voir avec une somnolence tranquille qu’on a tendance à associer au mot ‘méditer’) nous a été proposée et explicitée.

Les chambres étaient ce qu’il y a de plus simple, munies néanmoins d’une salle de bain privative, un luxe parfaitement inattendu et d’autant plus salutaire. On a dormi par terre sur une fine couverture (chose dérangeante pour certains d’entre nous) et on s’est réveillés tôt, très tôt pour s’imprégner des coutumes des lieux. Prière à 5h, suivie encore une fois d’une séance de méditation dans une salle ouverte à la nature et au soleil levant. Or, ce matin-là il pleuvait des cordes et le bruit des gouttes d’eau sur le toit, les feuilles, la terre en argile nous a entourés et nous a bercés alors que le petit matin pointait le bout de son nez.

Le petit-déjeuner composé de riz, de soupe, de légumes et de feuilles en tous genres a été pris dans une grande salle commune. Plus tard nous avons eu la possibilité d’assister à une séance de tai chi et nous nous sommes sentis impressionnés, perdus, inaptes mais pleins d’espoir et de pensées positives. Notre séjour au temple a été court, nous sommes repartis dans l’après-midi en direction de l’ancienne capitale du royaume de Silla – Gyeongju dans le sud-est du pays. En taxi donc jusqu’à Jeong-eup et de là en train d’abord à Osong et ensuite à Daegu. Pour plus de confort et de flexibilité nous avons opté pour une location de voiture à la gare KTX de Daegu et malgré quelques appréhensions nous n’avons rencontré aucune difficulté. Il faudrait cependant se munir d’une bonne dose de tolérance et de vigilance car la conduite en Corée du Sud est assez fantaisiste et les feux rouges ne correspondent pas forcément à ce qu’on pourrait croire.

De Gyeongju je retiens surtout ces anciennes tombes royales qui forment un doux paysage de coupoles verdoyantes, les nombreuses jeunes filles et garçons habillés en vêtements traditionnels qu’on pouvait louer dans des échoppes spécialisées, une certaine difficulté à s’alimenter après 19h30 le soir et les fameux pains de Quongju impossible à rater.

Grâce à la voiture nous avons pu visiter plusieurs sites dans les alentours tel le village traditionnel de Yangdong qui avec Hahoe fait partie du patrimoine mondial de l’Unesco. Il n’a pas été évident de le dénicher et après avoir erré dans quelques hameaux agricoles tout ce qu’il y a de plus banals nous avons même failli faire demi-tour. Et puis heureusement non car Yangdong a été pour moi une des plus belles découvertes du voyage. En arrivant on pourrait croire qu’il s’agit d’un tout petit village qui se limite à son unique ruelle sinueuse laquelle se perd à peine une centaine de mètre plus loin dans les collines. Il n’en est rien car une fois arrivé en haut, une vue se dégage sur un autre bout de village et derrière le tournant encore sur un autre et un autre. Pendant deux heures nous nous sommes promenés dans ses rues anciennes bordés de murets relativement bas qui délimitaient les propriétés, nous avons admiré les formes élégantes des écoles confuciennes, nous nous sommes émerveillés de l’activité agricole toujours très présente. C’est la faim qui nous a finalement fait quitter les lieux et nous n’avons pas tout vu.

Ce jour-là nous avons déjeuné dans une minuscule ville portuaire dont l’activité principale est la pêche. Gampo n’est certes pas l’endroit le plus pittoresque que vous puissiez trouver dans ce pays, ni le plus vivant, ni le plus moderne et si vous n’avez pas à le traverser pour une raison ou pour une autre, il est tout à fait dispensable d’y mettre le pied. Nous avions cependant suivi notre guide qui nous conseillait y déguster un plat de poisson cru et effectivement une ville de pêche semblait bien s’y prêter. Pour tout dire, le poisson s’est avéré délicieux, d’une fraîcheur incomparable (devant chaque restaurant, et il y en avait un certain nombre, se dressaient plusieurs aquariums remplis de poissons et de coquillages de toutes sortes et tailles) et servi avec générosité. Hélas, sur une table basse couverte d’un morceau de plastique et accompagné du hululement féroce du vent dans les conduits d’aération du local. En sortant, deux serveuses accoudées à la fenêtre nous accompagnaient d’un regard las et terne. Cela étant, ce petit bourg abrite une des meilleures pâtisseries qu’il nous a été donné de croiser (en jugeant par la qualité des mochis et des gâteaux au fromage frais du moins). Si vous la cherchez, elle se trouve dans une des rues sortant de la place du marché, on l’aperçoit de loin.

A faire encore dans le coin et nous avons aimé. Visiter le temple de Bulguksa – imposant, joliment entretenu, les escaliers en pierre sont d’origine – chose rare car le pays entier semble avoir subi un pillage sans faille de la part des envahisseurs variés.

Le mont Namsan et ses randonnées. Une excellente surprise. Malheureusement nous n’avions pas suffisamment de temps pour tout voir, pour grimper partout, pour envahir tous les sommets, découvrir tous les bouddhas cachés. De plus, notre équipement était plus que rudimentaire pour l’expédition à laquelle nous ne nous attendions pas (tennis aux pieds et une bouteille d’eau, pas de carte détaillée bien sûr) mais c’était un moment très agréable malgré tout. Et très calme, pour toute compagnie, nous avons croisé un moine dans le salon de thé en bas de la montagne (de façon très surprenant très moderne où on pouvait déguster un macha latte accompagné d’une part de tiramisu comme si de rien n’était) et un autre randonneur au début de notre ascension qui lui descendait déjà.
Le célèbre pain de Gyeongju – il y en a deux différents en réalité, farcis à la pâte de haricots rouges. A manger sans tarder, chaud même, ça ne se conserve que quelques 3 ou 4 jours, un peu plus au frigidaire. De toute façon, impossible de les rater, il y a des points de ventes à chaque coin de rue.
Un plat de poulet à déguster sur le marché d’Andong dans une des innombrables échoppes spécialisés. Très savoureux et copieux, la plus petite portion nourrit amplement 4 personnes et reste plus qu’abordable. Il s’agit bien des étals sur le marché et de ce fait il ne faut pas s’attendre à trop de chichi.

Hahoe – l’autre village folklorique et toujours habité. Niché à une bonne demie heure de route de Andong et isolé, c’est un petit village très paisible et joliment restauré mais ô combien touristique. Nous y avons loué une maison à toit de chaume traditionnelle pour la nuit. La barrière de la langue n’aidant pas et malgré mes demandes répétées je n’ai pas réussi à obtenir un dîner sur place et ce soir-là encore nous avons trompé notre faim avec des chips aux crevettes et autres cacahouètes (y compris de la pâtisserie française venant directement de chez Mammoth d’Andong). Le matin en revanche nous avons pu pleinement profiter d’un petit-déjeuner occidental, très bon et servi en terrasse privative, seul le va-et-vient effréné des hirondelles ayant choisi de faire leurs nids dans les toits pour nous distraire.
Ici je dois quand même préciser que dans les plus petites villes et villages et cela malgré certaines précautions et une détermination sans faille, nous avons dû nous avouer vaincus à plusieurs reprises et avons fini par commander une pizza (très à la mode) ou par dévaliser le premier magasin ouvert 24h sur 24 pour pouvoir manger quoi que ce soit en guise de dîner. Les restaurants ferment souvent à 19h30 voire plus tôt en réalité. Certains sont fermés les lundis, certains les mardis. Enfin, il faut se renseigner au mieux et accepter de manger tôt ce qui n’est pas tellement un problème car il y a le décalage horaire et de toute façon, il fait nuit de bonne heure.

Nous voilà déjà à Seoul où nous avons passé les deux derniers jours de notre voyage. C’est une très grande ville. Sans blague. En contraste absolu avec le calme des temples et la pauvreté de certaines régions du sud, pour le reste du pays je ne sais pas. Nous avons fait l’erreur d’essayer d’y circuler en taxi, ce fut un calvaire, la circulation est extrêmement intense. Il vaut mieux tenter le métro, notre expérience a été plus que concluante, le métro étant bien plus rapide et facilement domptable.

Cette fois-ci encore j’avais choisi de dormir dans un hanok traditionnel dans ce qu’on pourrait sans trop se tromper il me semble appeler la vieille ville de Seoul à Bukchon Hanok. Nous avons été accueillis très chaleureusement par les propriétaires de Dahmsojung et le séjour y a été des plus agréable. C’est un hanok superbe, décoré avec beaucoup de goût, dans un quartier historique qui regorge de cafés et de restaurants, de boutiques et de musées. Je n’aurais pas pu mieux tomber. D’ailleurs, une des plus grandes attractions touristiques de la ville, le palais royal, se trouve à peine à 15 minutes à pied. Le palais, bien que reconstruit est tout simplement splendide. Envahi par les touristes évidemment mais si vous avez un peu de courage et vous vous aventurez dans les coins un peu plus reculés du parc, vous aurez sûrement la chance d’y découvrir de très beaux bâtiments sans croiser âme qui vive.

A Séoul nous avons enfin pu profiter pleinement du barbecue coréen tant vanté qu’on déguste ici en buvant de la bière ou du soju ou de la bière mélangéz au soju. A Mapple Tree House de Samcheong notre voisin de table nous a d’ailleurs offert une démonstration éclatante du comment s’y prendre. Vous vous servez un demi verre de bière, vous y ajoutez ce qu’il faut de soju (ce n’est pas très fort, vous pouvez y aller). Ensuite vous prenez une de vos baguettes métalliques, vous le plantez droit dans votre verre et vous le maintenez fermement (très important, sinon vous risquez de faire valser votre breuvage et d’arroser vos voisins… spectacle compris dans la démonstration) d’une main. Avec l’autre, vous attrapez la seconde baguette et vous la frappez d’un coup sec contre la première. Miracle, des bulles apparaissent dans le verre et la boisson se met à mousser agréablement. Aussi simple que cela.

Enfin, vous apprécierez la gentillesse des Coréens et serez quelque peu étonnés par le sérieux qu’ils conservent en toute occasion. La profusion de feuilles vertes servies à tous les repas vous enthousiasmera, vous en laisserez la moitié d’abord, et la totalité à la fin. L’application profonde des jeunes gens de Gangnam quand ils vous préparent votre espresso vous laissera pantois et vous serez prêts à jurer que c’est le meilleur café, Italie confondue, que vous ayez jamais dégusté. Vous auriez envie de dire que c’est aussi kawai que le Japon et aussi bruyant que la Chine sans peut-être connaître ni l’un ni l’autre et vous vous retiendrez car cela ne ferait que relever au monde entier vos propres limites. Si malgré toutes les merveilles orientales une vague de nostalgie vous frappait de plein fouet vous n’auriez qu’à faire halte à la première boulangerie où vous trouveriez entre autres curiosités tout ce qu’il faut pour vous faire oublier les milliers de kilomètres qui vous séparent de votre douce maison – il faut dire que les Coréens nourrissent une véritable passion pour la pâtisserie occidentale, peut-être à un degré encore plus élevé que les japonais si pour terminer ce récit j’osais cette comparaison.

Beau voyage !!!
Vous avez l’air d’avoir eu un voyage dans un autre monde, avec l’incompréhension de beaucoup de choses, comme dans un pays qu’on découvre. Cela rappelle la première fois au Japon, avec les surprises sur les transports et les repas.
La période au temple a eu l’air sympathique, sauf pour ceux qui aiment leur confort 🙂
On a un gout de Japon, mais peut être plus coloré. Par contre, on voit assez peu de monde, mais c’est surement un choix de votre part de ne pas trop aller dans les mégalopoles.
Sympa en tout cas.