En parlant du partage

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Une sensation étrange m’a envahie ce soir en rentrant à l’hôtel. La dernière journée de réunion, la dernière nuit dans une chambre presque familière, le dernier aller-retour Paris-Strasbourg. Je ne sais pas si on peut vraiment parler de regret (oh combien de fois ai-je souhaité de ne plus devoir prendre le train pour partir encore et encore). Peut-être plus d’une certaine nostalgie. Après tout, ce n’est que provisoire, le temps de m’accommoder de ma nouvelle vie, de construire quelque chose pour nous trois ensemble et pour chacun de nous séparément.

Les bagages ont été faits, le camion parti, un nouveau propriétaire à été trouvé pour l’appartement que nous appelions maison pendant les cinq dernières années. Il parait qu’il s’y fait vide maintenant, même les chats se sentent perdus. Je ne sais pas encore, je ne le verrai que demain et puis plus jamais. Une fin et un nouveau début et tant d’instants que je garderai en moi pour en faire des souvenirs pour les jours de grande grisaille.

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Ces dernières semaines ont été bien remplies par le travail, la visite de ma mère (ma dernière, probablement en France, me confia-t-elle, émue, avant de partir), les derniers préparatifs et les soirées entre amis. Tout ne s’est pas déroulé comme prévu, naturellement. Il y a eu des à-coups et de la tension, de l’incertitude beaucoup mais aussi des moments de pur bonheur.

J’en garde la journée à Givreny et les magnifiques couleurs pastel du jardin. Oui, c’est facile de s’imaginer vivre au milieu de tant de beauté et de délicatesse. Un rêve mais sait-on jamais… La pluie prévisible qui nous a malgré tout eus par surprise à Orléans à la terrasse d’un café. L’Alsace, les vignes et les petites villes-musées, les points de vente d’asperges au bord de la route (mais pourquoi n’ai-je pas pris plus de photos !) et les kouglofs dans les vitrines des boulangeries. La Table de Christophe aussi, les boiseries, les fleurs, les photos de scènes en noir et blanc accrochées aux murs, leur foie gras mi-cuit maison, la gentillesse da la patronne, les habitués – rien n’a changé depuis cinq ans.

Version 2

J’aurais aimé enchaîner avec de nombreux repas joyeux et délicieux que nous aurions savouré ensemble, ma mère, Guillaume et moi. Hélas, la réalité peut s’avérer toute différente de celle escomptée. C’était une bonne leçon de patience (j’ai lamentablement failli) et d’humilité (bis). Car, enfin, pour satisfaire l’autre, il ne suffit pas de préparer quelque chose qu’on a l’habitude de tenir en haute estime. Non, la question est bien plus complexe et je l’ai apprise de façon assez douloureuse en faisant face tous les soirs à une maman qui pour ne pas me décevoir luttait pour terminer son assiette. Car justement, il y a cette chose qu’on appelle l’habitude. L’habitude de manger certains ingrédients, de les avoir toujours connus et préparés d’une certaine façon. Il y a aussi la connaissance. Peut-on toujours tout aimer du premier coup ? Les endives, l’asperge, les grandes salades composées à la vinaigrette, les petits-déjeuners sucrés… Evidemment que non. Cela m’a pris des années avant de pouvoir sincèrement apprécier la majeure partie de ce qui compose mon assiette aujourd’hui. J’ai fait ce chemin à mon rythme, au rythme de mes envies et de celles de Guillaume. Dès fois il faut juste accepter. Accepter que ce que on considère délicieux peut paraître étrange aux autres et inversement. Accepter de ne pas avoir toujours raison, de ne pas toujours imposer ses propres goûts sous prétexte que… c’est meilleur ?

Enfin, le moment de grâce est arrivé malgré tout et très symboliquement au dernier repas que nous avons partagé ensemble le dimanche soir. J’avais longuement hésité et non parce que je doutais du résultat (j’aurais dû peut-être après tout) mais parce qu’il fallait prévoir du temps pour l’obtenir. Il s’agissait d’une recette tirée du très beau livre de Mimi Thorisson, testée pour la première fois lors du repas de Pâques et approuvée unanimement. Et puis, samedi matin au marché, juste avant de terminer les courses mon regard vagabondant s’est arrêté de lui-même à ces très beaux morceaux d’agneau dans la vitrine du boucher, alors que mon esprit cherchait désespérément une idée de dîner pour cette fameuse dernière soirée. Après tout, pourquoi pas, je programmerai le four, ça ira, pas besoin de toujours tout surveiller, n’est-ce pas?

Version 2

Finalement ce dimanche après-midi je suis restée seule à la maison pendant que maman et Guillaume ont visité le musée Jacquemart André et dégusté des pâtisseries dans leur salon de thé renfermant tant de charme. Et j’ai surveillé mon rôti comme il se doit. Je ne pourrais donc pas affirmer qu’il sera aussi tendre et délicieux sans la présence assidue du maître chef mais à priori, oui. La cuisson prend cinq heures et rien, strictement rien ne nécessite une quelconque intervention (sinon les mesures anti-incendiaires ?) pendant les premières quatre heures et demie.

Pour 5 – 6 personnes

Une belle épaule d’agneau de 1,3 kilos ou plus
Une botte de romarin
5 ou 6 têtes d’ail nouveau
200 ml de crème fraîche
1 c. à s. de maïzena
Huile d’olive
Sel, poivre

Chauffez le four à 150 °C

Sortez votre épaule d’agneau et à l’aide d’un couteau bien aiguisé réalisé des entailles en forme de quadrillé côté gras. Salez et poivrez des deux côtés.

Placez au fond d’un grand plat allant au four la moitié du romarin. Déposez l’épaule sur le lit d’herbes et couvrez avec le restant de la botte.

Coupez 4 ou 5 tête d’ail en deux à l’horizontal et ajoutez dans le plat (conservez une tête d’ail pour préparer la sauce) et salez. Aspergez la viande et l’ail d’huile d’olive, couvrez le tout avec du papier aluminium pour que le rôti ne sèche pas pendant la longue cuisson et enfournez-le.

Au bout de 4 heures et demie de cuisson préparez la sauce. Faites chauffer la crème fraîche dans une poêle et ajoutez-y une dizaine de gousses d’ail. Faites les cuir une vingtaine de minutes afin qu’elles soient bien tendres. Au bout de ce temps, vous pouvez enfin ouvrir le four et jeter un coup d’oeil dans le plat. Récupérer à peu près 15 cl de jus et à la sauce. Normalement il y en a largement assez, pas d’inquiétude.

Hors feu, ajoutez le maïzena et au feu doux laissez épaissir la sauce jusqu’à obtention de la consistance voulu.

En dernier lieu, passez la sauce au tamis en pressant les gousses d’ail si vous voulez et servez tant que c’est bien chaud.

Tout le monde a adoré. C’était simple, n’est-ce pas ? Une viande bien connue  et très tendre qui a fait ses preuves partout, une cuisson lente, quelques petites touches typiquement française pour rendre le plat savoureux (l’ail nouveau, le romarin) mais finalement que des goûts sûrs et familiers.  Ne pas s’imposer. Le meilleur n’est pas un concept universel et immuable, il est changeant, il est relatif, il dépend de tant de choses et ici entre autres de la tolérance à l’ail.

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