Nous passons nos week-ends à trier, à faire les derniers achats, à négocier à distance avec les menuisiers-cuisinistes-commerçants en tous genres. Loués soient les moyens de communication modernes. La cuisine devrait être installée à temps pour notre arrivée à part le plan de travail qu’il faudra attendre quelque 15 jours supplémentaires. Je le voulais en pierre, ça prend du temps. Tout prend du temps à partir du moment où on préfère le sur-mesure et l’artisanal. C’est ce qu’on préfère, c’est vrai mais l’appartement étant sous les les toits avec un nombre incalculable de recoins et d’angles tarabiscotés, nous n’avons pas tellement le choix non plus. Je regrette juste de ne pas pouvoir être sur place pour vérifier, comparer les bois et les toucher, choisir les teintes et les finitions. Les bibliothèques ont été promises pour début juillet, au plus tard, ce qui augure plus d’un mois de vie en cartons. Le lit, du moins nous devrait nous attendre sur place. En attendant, le volume de nos bagages à ramener grossit de jour en jour au point où je n’ose plus contacter le déménageur pour le mettre au au courant des derniers développements.
Avec tout ça le 22 mai s’approche inexorablement et depuis un certain temps je n’arrive plus à maîtriser complètement le flux de pensées teintées de nostalgie qui menacent de m’envahir à l’improviste, le tri de vieilles affaires n’aidant aucunement. Difficile de ne pas regarder vers le passé qui en réalité est encore le présent, de ne pas faire le bilan de ce qui était notre quotidien ces 14 dernières années. Un tiers de ma vie. Toute ma vie d’adulte indépendante car finalement c’est en France qu’ont muri mes goûts et préférences. Certes, à partir d’un socle pré-existant dont les premières composantes ont été mises en place dans une toute petite maison à quelques 2000 kilomètres d’ici. Une réflexion s’impose et des inquiétudes pointent leur nez. Comment se passera le retour au pays qui malgré tout mon attachement m’est devenu de plus en plus étranger au fil des années ? Le manque de lumière en hiver et la longueur de celui-ci, la dureté des gens et de la vie en général…
Des images, des pans entiers de nos vies françaises me reviennent en mémoire, certains moments avec une précision extrême comme s’il suffisait d’un rien pour… enfin, non pour les revivre mais pour y être pour de vrai, pour les vivre tels quels, la toute première fois. Par moments la barrière indéfinissable qui sépare le passé du présent semblent s’évanouir et le temps devenir accessible dans son ensemble. Souvent il suffit d’un rien. La vue de la couverture écornée d’un roman commencé à la plage il y a des étés et jamais terminé, les premiers accords d’une vieille chanson écoutée en boucle lors de nos premières virées en Normandie dans la magnifique 205 des parents de Guillaume, la rencontre avec un ami retrouvé après des années de silence…
C’est comme ça que depuis plusieurs semaines je n’arrive plus à chasser de mon esprit l’été 2010 (cinq ans déjà !). Nous avons passé trois semaines en Angleterre, dans le Sud-Est, à Totnes. J’avais obtenu une bourse pour y effectuer un séjour linguistique et Guillaume m’accompagnait. Nous louions un superbe cottage entouré de prés et de vaches, dinions dans le pub local qui servait de plats gourmands et du prosecco extra brut, passions nos après-midis à vagabonder dans les bourgades côtières et les week-ends à découvrir des sightseeings à ne pas manquer (ah la conduite inversée et les routes de campagne à peine assez larges pour laisser passer une voiture et pourtant prévues pour une circulation dans les deux sens !).
Tous les matins j’avais quatre heures de cours suivies d’une pause d’une heure à midi et de deux heures de cours supplémentaires au début de l’après-midi. Les jours de pluie nous nous donnions rendez-vous pour le déjeuner dans un petit restaurant français, La Fourchette, pour se réchauffer autour de la soupe du jour, d’habitude au poisson, servie avec une généreuse quantité de rouille et de toasts. Le plus souvent cependant on se rendait dans l’un des deux salons de thé de High Street où la porcelaine était fleurie et honorablement ancienne et les tartes et gâteaux du jour exposés dans la vitrine faisaient tourner la tête à tous les passants. Malgré l’attrait indéniable de ces merveilles ma préférence allait presque toujours aux simples scones accompagnés de thé noir, du clotted cream et des confitures – ce qui est pour moi encore aujourd’hui le quintessence de la vie britannique.
Oui, je me trompais sûrement contre toutes les bonnes mœurs locales en substituant le déjeuner de fish & chips d’une popularité incroyable parmi les touristes autochtones par ces petites boules de pâte légèrement denses mais franchement, comment y résister ? Pour retrouver tant soit peu l’ambiance de cet été à l’air british, je me suis lancée après des années dans la confection de scones maison. La recette est celle de Rose Bakery. C’est la recette de base à laquelle j’ai ajouté deux ou trois petites choses de ce que j’avais en réserve.
J’ai utilisé un emporte-pièce de 5 cm de diamètre comme préconisé dans la recette et je me suis bien gardée de trop étaler la pâte mais malgré cela en étant économe avec la pâte j’ai obtenu 20 scones au lieu de 14-15. Ce qui au bout du compte n’est pas du tout un mal. Les scones de Rose Bakery sont un peu plus légers que leurs pairs outre-Manche et pas très sucrés. Alors si vous les préférez plus consistants, il faudrait probablement augmenter la quantité de beurre et de sucre, chose que je n’ai pas encore testée car ils nous conviennent parfaitement tels quels.
500 g de farine
110 g de beurre (ici aux cristaux de sel de Guérande)
2 c. à s. de sucre
2 c. à s. de levure chimique
30 cl de lait entier
Sel
1 œuf battu
40 g d’écorce d’orange confite
2 c. à s. de graines de pavot (approximativement)
2 c. à s. de graines de courge (approximativement)
2 c. à s. de graines de lin (approximativement)
Faire chauffer le four à 200 °C.
Chemiser une grande plaque de papier sulfurisé.
Mélanger la farine, la levure chimique, le sucre et le sel (je n’en ai pas mis puisque j’ai utilisé du beurre salé) dans un grand bol. Ajouter le beurre découpé en morceau et travailler la préparation à la main jusqu’à l’obtention d’une pâte légèrement sablonneuse.
Creuser une fontaine au milieu et y verser le lait. Travailler la pâte à la fourchette jusqu’à l’absorption complète du lait et continuer à la main. Le résultat obtenu doit être souple, ni trop humide (il ne faut pas que la pâte colle) ni trop farineuse. Ajouter du lait ou de la farine si besoin (j’ai dû ajouter un peu de farine).
A ce moment des préparatifs j’ai divisé la pâte en deux et j’ai obtenu deux boules d’un peu plus de 500 grammes. Ensuite j’ai ajouté les graines de pavot et l’écorce d’orange coupée en petits morceaux à une boule et les graines de lin et de courge à l’autre. Bien entendu on peu personnaliser les scones avec un peu tout ce qu’on veut : granola maison, airelles, noix et noisettes de tous genres, raisins secs, chocolat…
Enfin, farinez légèrement la planche de travail et étaler la pâte à l’aide d’un rouleau à pâtisserie à une épaisseur de 3 cm minimum. Découper les scones avec l’emporte-pièce, les placer sur la plaque de cuisson préalablement chemisée de papier sulfurisée et les badigeonner d’œuf battu.
Enfourner les scones pour 15 à 20 minutes (20 avec mon four) jusqu’à ce qu’ils soient gonflés et dorés. Servir tièdes ou froids au petit-déjeuner ou à l’heure du goûter (on peu les faire réchauffer légèrement le lendemain, cela les rafraichit considérablement), accompagnés du thé ou pourquoi pas d’un verre de vin pétillant, de la chantilly, des fraises, du beurre, de la crème au caramel, de la confiture ou de toute autre pâte à tartiner susceptible de vous faire plaisir. Ils se gardent mieux dans un récipient fermé hermétiquement.