Des vacances volées et d’autant plus délicieuses car j’aurais dû prendre l’avion pour Tallinn cette semaine. C’est-à-dire, si tout s’était passé comme je l’avais imaginé, si le nouvel appartement à Kadriorg avait été prêt pour signer, si les travaux ne prenaient pas toujours un peu plus de temps qu’espéré, si… Volées aussi car au lieu de vagabonder à droite et à gauche ou encore de rester chez moi j’aurais pu travailler, accepter un contrat de dernière minute ou du moins signaler ma disponibilité, chose dont je me suis expressément abstenue. Alors, finalement ni l’un ni l’autre mais un court séjour à Bruges et à Gand suivi de dix jours à la maison à cuisiner, à trier, à lire, à regarder au plafond, à faire des siestes les après-midis ou à ne rien faire du tout si l’envie me prenait. Et puis pourquoi pas car d’ici quelques mois je ne serai plus le seul maître de mon temps ; à ce moment un tout petit être tout neuf assumera, et j’en suis sûre avec beaucoup de certitudes et de conviction, le rôle du décideur et je ne m’en offusquerai même pas. Mais d’ici là…
Notre séjour en Belgique a débuté à Bruxelles avec deux jours de travail pour moi et de longues promenades en solitaire pour Guillaume ponctués de repas pris ensemble avec des amis ou en tête à tête. Lundi soir au Premier Comptoir Thaï qui se trouve bien commodément à quelques pas de mon hôtel habituel et sert des plats de viande et de poisson délicieusement épicés au curry de différentes couleurs. Mardi soir, nous sommes descendus dans le coeur même de Bruxelles et avons dîné avec une chère amie et compatriote à La Caneva, rue des Grands Carmes. C’est un tout petit restaurant italien quelque peu perdu dans les étroites ruelles de la vieille ville, très douillet avec sa cheminée les soirs d’hiver. En été, en revanche, on peut s’installer dans la rue à l’ombre des maisons où des tables sont dressées à l’intention d’une clientèle à la recherche d’un peu de fraîcheur. Je n’ai pas su résister à un de mes péchés mignons – des pâtes aux truffes. J’en ai mangé pour la première fois lors d’un séjour automnale en Toscane il y a des années, était-ce à San Gimigniano ou dans un autre petit bourg ? Je l’ai oublié, je me souviens juste qu’il faisait très beau mais frais ce jour-là et il y avait un vent à décorner les boeufs. Après avoir réussi tant bien que mal à garer notre voiture de location dans une rue toute en pente, nous sommes partis grelottants et affamés à la recherche d’un encas avant que l’heure du déjeuner soit désespérément dépassée ; il faut dire que nous sommes souvent plutôt optimistes quant au temps dont nous disposons. Le restaurant dans lequel nous avons atterri finalement n’avait rien de particulier, une cour intérieure avec des tables, des napperons à carreaux rouges, un couple (des touristes comme nous) avec un bébé en poussette à la table d’à côté, quelque clients légèrement avinés et bruyants plus loin. Il fallait se décider rapidement, la cuisine allait fermer. Alors j’ai pris des gnocchi al tartufo, au hasard. Ils étaient servis, généreusement, dans une sauce crémeuse et odorante à souhait. Etait-ce le froid ou la faim ou bien étaient-ils vraiment exceptionnels ? Quoi qu’il en soit, ce repas m’a laissé un souvenir impérissable et c’est avec une impatience mal dissimulée que j’ai passé ma commande de mes raviolis à la truffe à la Caneva et je n’ai pas été déçue.
Mercredi soir, après avoir parcouru les galeries du musée Magritte, dans un brouillard de sommeil épais comme du coton, en ce qui me concerne, et pris un café à JAT’ Café nous sommes montés dans le train à Bruxelles Midi afin de découvrir d’autres lieux dans ce pays où depuis 2005 je passe tellement de temps sans jamais m’être aventurée plus loin que le strict nécessaire. Un soleil splendide nous accueillait le lendemain à Bruges, accompagné d’un vent incroyablement glacial et des températures rapprochant plutôt du 0 que des 8 ou 9°C attendus.
Il nous a fallu beaucoup de courage pour nous promener ce jour à l’extérieur. Pourtant, nous avions commencé par un petit-déjeuner de circonstance – des gaufres accompagnées d’un thé brûlant à la Prestige Pâtisserie avec ses papiers peints fleuris, ses chaises couvertes de velours vert passé et ses assiettes rose boudoir aux bordures dorées. A côté de nous, trois jeunes gentlemen britanniques avaient pris soin de réserver une des deux tables donnant sur la rue et dégustaient d’un air détaché leur petit-déjeuner. Qui pouvaient bien être ces messieurs installés avec tant de naturel et de nonchalance autour de leurs projets pour la journée?
Le soir même nous avons repris le train, direction Gand cette fois-ci. La chance nous a souri car sans renseignements préalables nous avons fini par réserver chez Pakhuis. Un endroit inattendu et étonnant avec une déco vacillant entre industriel et bistrot, très animés avec un va et vient incessant de clients et de serveurs chargés de commandes. Leur spécialité c’est les huîtres et les fruits de mer en tous genres mais ce soir nous avons préféré une cuisse de poulet de Bresse AOP et une bavette de bœuf Black Angus – aucun regret, les deux étaient délicieux. La cuisson du poulet était juste parfaite et le goût, légèrement fumé et avec cette petite note de poulet grillé de mon enfance qui me fait encore saliver.
Que dire sur Gand à part que c’est une ville impressionnante avec son architecture mélangeant un peu tous les styles, ses rues commerçantes et ses canaux, un nombre incalculable de restaurants et de brasseries. Ce jour-là il a plu, beaucoup. Gust s’est avéré un endroit parfait pour le petit-déjeuner (notamment leurs pancakes américains accompagnés de fruits frais et du sirop d’érable). Deux jeunes filles s’activaient à la fois aux fourneaux et assumaient le service. Tout s’y passe en flamand avec quelque mots d’anglais peut-être pour nous guider et une bloc-notes pour indiquer la commande. Les thés y portent des noms poétiques tels que l’élégance, les portions sont de taille (ça tient du pays) et des amis y viennent pour un repas rapide ou pour des discussions prolongées. L’après-midi nous avons trouvé refuge dans un tout petit cinéma de quartier devant le dernier film avec Benedict Cumberbatch. A la sortie du film nous nous sommes perdus pour notre plus grand étonnement dans une galerie aux lanternes rouges, une pâtisserie à la pomme a été dégustée plus tard suivie d’une promenade sous la pluie battante, non sans charme mais bien moins photogénique.
Après notre retour il y a eu un long moment de calme. J’ai partagé mon temps entre la cuisine et la lecture de blogs, les courses et le tri soigneux de nos affaires – que faut-il garder, que faut-il laisser, donner – tant de décision à prendre. J’ai eu le loisir de découvrir un éventail de nouveaux blogs et de nouvelles recettes à tester à l’occasion. Côté cuisine ? Une recette tirée du Saveurs du mois de février, un peu vieux jeu mais tellement goûteuse et parfaite pour terminer ce voyage flamand.
Gratin de chicons au gorgonzola et jambon de Parme (pour deux) :
3 chicons 100 g de gorgonzola
6 tranches fines de jambon de Parme
100 ml de crème liquide (ici celle à 35%)
Le jus d’un demi citron
Sel, poivre, cube de bouillon
- Faire bouillir de l’eau dans une casserole, y ajouter le cube de bouillon et le jus de citron. Ensuite, enlever les premières feuilles meurtries des endives, plonger les endives dans la casserole et les faire cuire une vingtaine de minutes.
- Egoutter les endives soigneusement. Attention, elles peuvent contenir beaucoup d’eau. Pour m’en débarrasser , je les ai plongées dans l’eau froide afin de les tiédir et je les ai pressées précautionneusement entre les mains, les têtes vers le bas.
- Une fois les endives bien égouttées, les couper en deux dans le sens de la longueur et enlever délicatement le trognon.
- Faire chauffer la crème à feu doux dans une poêle et y faire fondre la moitié du gorgonzola, poivrer et saler si besoin.
- Rouler les moitiés d’endives chacune dans une tranche de jambon de Parme et les placer dans un plat à gratin. Couvrir le tout du mélange de crème et de gorgonzola, ajouter le gorgonzola restant en petits morceaux et enfourner le plat pour 15-20 minutes jusqu’à ce qu’il soit joliment doré.
Cette version un peu revisitée d’un plat traditionnel a été fortement appréciée à la maison. D’ailleurs, le gorgonzola qu’on venait d’acheter le matin même au marché chez un traiteur italien prenait un goût particulièrement intense une fois gratiné au four alors que dégusté à température ambiante il était plus doux.